- (...) hier, sorti d’un train d’un battement de paupière, j’ai revu le wadi rum, son ciel noir criblé de millions de trous d’aiguille et cette pleine lune à portée de main. il y faisait frais, presque froid, et allongé sur le dos sur un sommier de fortune abandonné par des guides bédouins, j’avais déjà, me semble-t-il, commencé ma retraite (...)
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céleste verdura resta les yeux figés au sol. les larmes coulaient sur sa joue depuis des mois. le docteur courrèges attesta un fonctionnement ininterrompu de la glande lacrymale du 4 novembre 1986 au 30 juin 1987. des tests ultérieurs montrèrent que contrairement aux conclusions de courrèges, ces larmes n’étaient pas dues à la production anormale de prolactine ou de lactotransferrine. céleste verdura n’avait jamais accouché, elle n’avait même jamais ovulé. on chercha dans l’environnement de sa chambre de l’acide sulfénique ou de l’oxyde de propanethial, susceptibles d’atteindre les yeux de la jeune femme. mais même en quantités négligeables, on n’en trouva aucune trace. on orienta les recherches sur l’ensemble de son système limbique et sur un éventuel dysfonctionnement des fibres parasympathiques. Le nerf pétreux, le ganglion ptérygo-palatin, le nerf ophtalmique ne souffraient d’aucune affection. céleste verdura pleurait, et les résultats de traitements cathartiques et autres hypnoses ne révélèrent aucun souvenir enfoui. aucune décharge émotionnelle à valeur libératrice ne pouvait être invoquée pour expliquer son état. du 4 février au 3 mars 1987, la jeune femme fut amenée dans les plus grands hôpitaux parisiens. au-delà du flux permanent de larmes, c’est la fixité du regard sur le sol qui intrigua la science. on pensa à une lésion du lobe temporal qui aurait pu entraîner des agnosies visuelles aperceptives, et occasionner en réaction, des paréidolies. l’idée était que céleste verdura était sujette à des visions, des figures iconiques ou religieuses pareilles aux apparitions mariales. on pensa aux phosphènes naturels qui apparaissent lorsqu’on ferme les yeux, qui auraient créé des images fixes hypnotiques auxquelles la jeune céleste ne pouvait échapper. comme elle ne réagissait plus aux stimuli extérieurs, on pensa qu’elle souffrait de prosopagnosie, cette impossibilité à identifier les visages, mais lorsque sa mère se glissa dans son champ de vision, céleste verdura esquissa un vague sourire avant de replonger. courrèges pensa à appeler joachim boufle, surnommé le faussaire de dieu, tant il avait aidé l’église catholique à enquêter sur les cas d’apparitions mariales les plus controversés. la projection à l’extérieur, spatialisée d’un contenu psychique, était peut-être l’explication ultime de la tristesse béate de mademoiselle verdura. le prêtre de la paroisse pensait à une hallucination ou un autre phénomène naturel, à une supercherie ou au pire à une apparition diabolique. Il avait remonté le cas au vatican, mais l’église rechigna à traiter le cas de céleste verdura. la jeune femme ne revendiquait aucun message. en outre, elle n’était même pas baptisée. extrait des voyages immobiles autour de mon lit. à paraître aux éd. lebouillondefinitif.com en 2013 II. ce lustre tout cristal taillé en biseaux allie roseaux droits et roseaux courbes. quand matrone l'allume, il écrase un lit majestueux de ses reflets qui inondent une statuette de cuivre aux yeux jaunes et noble. des miroirs imposants sur le mur d'en face et au plafond multiplient une isis ailée en une armée infinie de milans. sa quête morbide s'étale sur du papier peint, où je la vois couchée sur le ventre des 14 morceaux reconstitués de son mari défunt, battre des ailes afin qu'il la féconde. un pénis noir dressé figure la scène et s'immisce dans la fente d'une robe moulante. au plafond, les verges inversées comme autant d'arbres noirs tissent une forêt dense et finissent par se confondre avec les cornes qui couronnent la déesse. mes pieds figés dans un tapis d'orient de mauvaise facture miel et vanille. mes premiers jours abandonné au milieu de ces profils de femmes perruquées, de râ et d'atoum qui me toisent. des bateaux en maquette sur des commodes dorées et ébène, en vogue vers de petites lampes coniques à tête de sphinx. prostré et cadenassé dans la chambre hiéroglyphe, bloqué au milieu de deux grands papyrus, devant un nil lithographié lapis lazuli, j'ai soif. |
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