Paris à mes pieds, vu du haut d’une tour HQE qui pompe la lumière des tours alentour. Ces rejetones semblent impuissantes face au bloc immonde sur lequel je suis perché, et qui écrase tout d’un dédain catégorique de verre et de béton. Du clocher de ma nouvelle église vouée au culte du fric arrogant, je découvre sereinement les terrasses dépotoir d’un Paris vertical. Des tours rachitiques s’accrochent et se serrent pour mieux asseoir leur maigre conquête d’espace vital. Au milieu de ces naines pétrifiées, sur le corps desquelles des coulées moisies laissent de méchantes couleurs, quelques ahuris en manque d’air auront végétalisé leurs seuls mètres carrés ouverts sur le ciel, d’une bouture dégénérée achetée à crédit chez Truffaut. A contempler à perte de vue cette croûte de ciment, je cherche en vain les cimes feuillues de survivants indigènes, qui me ramènent à mes endroits de vie. Mon horizon bouché, mangé en verticalité, m’enfonce à hauteur d’étron, où l’air finit par manquer. Dans les artères de cette ville arrimées en sous-sols et souterrains, ne circulent plus que des êtres rachitiques tassés recroquevillés racornis, sculptés par l’étroitesse des trottoirs et le poids des particules fines. Des chapes de merde en lasagnes épaisses qui s’accumulent sur les échines de tarés résignés, maintenus en vie par leurs avatars et du soleil vert. Quand la marée de sang aura gagné les rues, les fenêtres en grappe fermeront comme les moules leurs coquilles, en attendant que le jusant découvre enfin des trottoirs lavés à l’hémoglobine. Je chercherai en vain les fronts sur les vitres, pour dire qu’ils peuvent descendre pour finir de tout casser. Pour le moment, le seul endroit d’espace est paradoxalement celui qu’on détruira le premier. Retrouver nos pieds sur le sol et nos têtes dans les nuages.
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November 2019
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