Extrait de "Anti-carnet de voyage(s) vol.1, 2010
(c) le brouillon definitif
elle appelle et me ramène par la tête et la queue dans un lit chaud où elle se love entre mes bras.
en rupture avec cette semaine de solitude physique et sentimentale, ponctuée par des rendez-vous de travail nombreux et longs. le weekend se finit seul dans ma chambre d’hõtel avec quelques moustiques affamés qui devront mourir avant que je n’éteigne cette lampe-néon. kampala encore plus loin, avec ses quelques lumières éparses, se replie dans un silence entrecoupé des pétarades des bodas taxis-mobylettes qui peinent à remonter la pente.
elle m’’écrit et me ramène par la main et le coeur là où ses espoirs s’étaient brisés sur mon priapisme non-exclusif.
à l’autre bout du monde, je suis un m’zungu, blanc forcément riche et de passage. je n’appartiens pas à cette terre rouge qui recouvre la ville et uniformise toutes les chaussures. une évidence claire qui me rapproche d’elle et libère de quelques scénarios mon tableau des possibles.
bubbles le bar à tendance irlandaise sur acacia road rassemble 80% des expatriés, quelques noirs triés sur le volet, et des noires montées sur des aiguilles à 80% prostituées. en quête patiente d’un m’zungu qui scellera un swap misère du cul contre misère tout court.
elle me rappelle pour me dire qu’elle va mieux. que les mots la fatiguent et ne garantissent jamais rien. qu’elle ne voudrait jamais rompre, et que nous ne serons jamais pareils.
une tusker locale à 6˚ devant un groupe d’israéliennes catherinettes venues brosser les dents de petits ougandais en mal de repères hygiéniques. ces profs improvisées ont beau essayer de dupliquer leur modèle de kibboutz, les ougandais de sortie ne sont pas en guerre ou encerclés de mecs hostiles. ils écoutent avec politesse le zèle ininspiré de donzelles en chair qui caracolent jambes et bras nus au comptoir pour commander des whiskies, et s’imaginent leur mettre un tour.
elle m’obsède et me sauve d’un alentour brumeux de fumée de cigarettes et humide.
de ce melting-pot brouillon et bruyant, je sors la tête et questionne les motivations profondes de ces illuminées, fuyardes ou militantes, qui triment 5 jours sur 7 pour se bourrer la gueule le reste du temps. l’ouganda, suisse de l’afrique, qui dispute ce titre galvaudé et un tantinet à peine à peine exagéré à son équivalent ouest-africain du ghana, les remettra d’équerre dans quelques semaines. . .
elle me revient et m’éloigne de cette mascarade chiante et à huis-clos, où les expatriés à la dérive finissent par tous se connaître et font tourner les putes en circuit fermé.
un compatriote en forme de déchet humain, me bouscule et peine à composer les 9 chiffres qui le séparent d’un chauffeur qui le ramènera dans ses quartiers pour cuver tranquille. ce mec doit bien faire dans les 50kg malgré sa tête de plus que moi. je pense à sa cirrhose du foie, ou un sida en préparation. il louvoie comme un boxeur KO qui cherche les cordes pour se tenir debout. je lui réserve une place de choix dans mon cimetière des épaves.
dans deux jours, je penserai à leurs vies comme on pense à un film.
je penserai à ces soirs de weekend où les putes et les aisés de kampala se montrent, en écoutant des musiques qui n’appartiennent plus à personne.
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